vendredi 21 septembre 2012

J'ai peur que, parfois, les hommes soient comme ça :

     Je les ai trouvés dans une poubelle. Pas les mecs, les images. Elles ont été découpées dans du mauvais carton imprimé. Sur des paquets de lessives. Elles datent des années 1950-1960, au temps où  certaines femmes ne travaillaient pas. 
"Femmes au foyer", on l'inscrivait sur des formulaires après leur avoir demandé ce qu'elles faisaient dans l'existence ? Rien ! On disait même : que faites-vous dans la vie ? parce que le mot "existence" (l'existentialisme de Jean-Sol-Partre) n'était pas encore intégré dans la langue. On n'existait pas, on était.
     Certaines répondaient "je suis mère au foyer". On comprenait alors qu'elle ne faisaient pas -rien, qu'elles torchaient la marmaille de leur progéniture. C'était un peu comme "- Madame ou mademoiselle ?" On voulait tout savoir officiellement sur les femmes, si elles étaient disponibles ou pas pour les hommes. Sexuellement disponibles ! Une femme au foyer pouvait l'être pour un amant dans l'adultère, en plus du mari. Ciel mon mari ! Une mademoiselle pour un amant. Une mère au foyer, était à l'époque totalement indisponible pour un amant.  Entre les gosses, la bouffe et son mari à repasser...!
     Que faites-vous dans la vie : Rien ! Enfin si,  je tricote et j'achète également les paquets de lessives que mon fils m'a conseillés. Parce qu'il aime le foot, il en est fana ! On disait le fout'balle. Fanatique de fouteubâalle ! Alors je prends la lessive où il y a des images de footballeurs. Il les collectionne. Il en a plus de quatre-vingt !
     Les mecs sur ces images sont des footballeurs. Lorsque je regarde ces types dans le blanc des yeux, j'ai l'impression de voir des morts. Je ne sais pas pourquoi. J'ai l'impression que ce sont des mecs en sursis dont le cancer va se déclarer sous peu. Ils portent sur le visage comme la "tristesse" d'une époque qui bascule de l'après-guerre vers l'ère qu'on appellera celle de l'information, pour faire court et compréhensible, ou de la cybernétique, comme on aurait pu dire alors ! Et au milieu : la bombe A puis la bombe H. 
Comment survivre à tout ça quand on est ouvrier et footballeur ?
    Mais peut-être étaient-ce des immigrés, des italiens, des espagnols, des portugais, des polonais, des algériens, des marocains, des tunisiens ? Immigrés nostalgiques de leurs contrées ? Des ouvriers dur à la tache, sûrement. Ils portent le maillot comme ils porteraient un bleu de travail, pauvrement. Les footballeurs étaient d'origine ouvrière. Des mineurs, des métallos ? En tout cas une majorité avec des noms français : Albert Batteux, Robert Jonquet, Roger Marche, René Vignal,  André Guillon, Armand Renvern, Roger Quenolles, pour n'en citer que quelques uns. 
       Mais cette image de la mort qui émane comme une odeur de ce mauvais carton, mais le spectre de ces portraits éventés. Et ces footballeurs-travailleurs lessivés... Mais... Voilà.

4 commentaires:

  1. Mais comment imagines-tu qu'ils sont ?....

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  2. Je les imagine comme ça, mais aussi je sais que certains sont autrement, plus rêveurs, insouciants en apparence, moins torturés, plus inscrits dans le dépassement de notre condition, à travers l'art, plus attentifs à l'expression des femmes, à celle des enfants, ceux de ces photos ont l'air tellement désespéré !
    Ils donnent tellement l'impression de s'inscrire dans une compétition perdue d'avance...
    Je me souviens de mes dimanches quand j'étais jeune et solitaire, de tous ces immigrés et de ces ouvriers dans des cafés où il n'y avait que des hommes et qui attendaient comme moi quelque chose qu'ils n'auraient pas ici, ni là-bas, je me rappelle tout ce temps perdu à attendre...sans faire le moindre effort pour chercher à vivre.
    Me remonte en mémoire tous ces hommes devenus probablement pour beaucoup d'entre eux des Vladimir et Estragon attendant Godot ! S'ils ne s'étaient pas perdus avant, happés par l'alcool et les jeux de hasard.
    Je ressasse cette chanson de Dylan, "-I pity the poor emigrant..."
    Un peu de ma jeunesse, cette conception des hommes !
    Puis je me suis enfui de tout ça pour devenir marginal, pour me soustraire de cette condition, par peur de vivre aussi...
    Et je vis encore !
    Pas près d'arrêter...

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  3. Au fait P.P. si tu me lis, ça marche ?
    J'ai-t-il bien réussi à supprimer les codes des commentaires ?
    D*

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  4. Oui ça marche ! Cependant fais gaffe à ce que n'importe qui ne vienne écrire n'importe quoi... Filtre.

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