Libération le 27 septembre 2011
L'appel de la forêt
Je ne vais pas écrire "L'homme qui plantait des arbres". Giono l'a déjà fait. Et fort bien. Je ne vais pas composer et chanter "Madame Nostalgie". Moustaki et Reggiani s'y sont collés.
Je lance un brame. Un tout petit brame. En 1975, le magazine pour les jeunes Pif Gadget avait eu l'heureuse idée de glisser sous sa cellophane une jeune pousse de sapin du Grand Nord. C'était en fait un épicéa.
Je l'ai planté, avec mon père, très précisément le dimanche 19 octobre 1975. D'abord dans un petit pot, puis en pleine terre, en orée de la forêt de Buzet-sur-Tarn, près de Toulouse. Aujourd'hui, superbe et luxuriant, il me parle avec force et nostalgie du temps qui a passé. Il reste un vrai symbole de vie. Je suis fier de le voir respirer.
Nous l'avons planté, et j'ai souvent imaginé que d'autres enfants, à l'époque, avaient fait de même. Et la question que je me pose aujourd'hui est la suivante: que sont les sapins de "Pif Gadget" devenus? Où sont-ils? Et leurs petits planteurs, ont-ils gardé la main verte? Se souviennent-ils que le conifère du jardin qui a bien grandi est le reflet d'une époque? Il n'est pas interdit, sans passéisme poussiéreux, de se poser ces questions. Ils (elles) ont aujourd'hui cinquante ans. Ou autour. Et ont peut-être les yeux sur cet écran.
360 000 exemplaires de Pif-Gadget, avec sa petite brindille, ont été écoulés. J'ai mis en terre la mienne. Ce qui veut dire qu'il existe, ailleurs, 359 999 potentiels "sapins"...
Je rêve d'établir une sorte de "sapineraie" du coeur, du souvenir et de la mémoire.
Au delà de l'aspect un peu anecdotique de l'entreprise, c'est - mine de rien - une jolie caresse que nous ferons à notre planète, à un moment où elle en a vraiment besoin. Pif, "le journal de la vie", avait vu juste et en avait eu (du pif).
Alors, si vous vous reconnaissez, je vous invite à laisser ici votre témoignage et pourquoi pas, la photo de votre arbre.
Ah oui, j'oubliais. Mon père est mort le jour de Noël, en 2003. Il avait 81 printemps. A tout jamais, le sapin de Pif est un sapin de Noël et mon père un Père Noël.
«Et qu'il soit pareil aux arbres
Que mon père avait plantés
Fiers et nobles comme soir d'été»
Jacques Brel (L'Homme dans la Cité)
Joël Fauré
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