Panique sur la ligne
Les réclames immenses dans les couloirs impressionnaient l’enfant. La foule le pressait, une main le tira. Il leva le nez. Les biscottes Paquot, géantes inaccessibles. Les dragées Martial fabriquées rue Planchat et vendues dans les beaux quartiers. L’arrogant petit marquis en médaillon invitait à sortir de la boutique les bras chargés de paquets, pleins de chocolats et de fondants, noués de splendides rubans. Ce n’est pas pour ton vilain nez, disait-il!
Les caramels à un centime, si.
Le lait homogénéïsé et stérilisé Elle et Vire, si.
Toujours tiré, l’enfant devait suivre et passer devant des affichettes incompréhensibles : La Section du Sanatorium des Cheminots Parisiens de la RATP ouvre un bal salle Wagram, le 17 novembre, avec la Bossa Nova de Sacha Distel, Los Cangaceiros, Les Loups Blancs et Miss Dactylo. Un anonyme citoyen avait inscrit en noir à coté : PAIX EN ALGERIE.
L’enfant s’attardait devant l’affichette qui invitait à aller voir et visiter Orly, non pas la commune de la Seine-et-Oise (l’Essonne, aujourd’hui) mais l’Aéroport, ses Avions, rêve bleu pétrole, bleu ciel et blanc.
Panique : pendant qu’il rêvait, il lâcha la main et la bousculade l’empêcha de voir devant. Se refermèrent sur lui les deux portillons automatiques verts administratifs. Comme ils n’étaient pas jointifs l’enfant tenta de se faufiler : impossible.
Claquement des portières.
Et il se voyait partir.
Perdu sans ticket.
Seul au monde parmi la foule.